Loin des clichés assimilant Roms et pickpockets à l’affût des touristes, 11 enfants issus d’un camp de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, ont visité mercredi le musée du Louvre sous l’égide d’une association d’aide à la scolarisation des enfants tsiganes.
Tôt dans la matinée, une agitation bon enfant régnait au sein du camp de la rue des Coquetiers, un vaste bidonville de 1.800 m² parsemés de caravanes, de cabanes de fortune et de détritus, surplombé par des barres d’immeuble.

Samuel, 10 ans, est en larmes. Lui aussi voudrait venir à la visite proposée par les quatre accompagnateurs de l’association Aset93, mais dix enfants de 8 à 16 ans ont déjà été inscrits auprès des quatre accompagnateurs.
"On essaie à chaque fois de choisir des enfants qui n’ont pas encore participé à nos activités. C’est compliqué, on en laisse toujours, ça fait mal au cœur", regrette Agathe Charpentier, la médiatrice culturelle de l’association, qui organise des sorties chaque mercredi pour les jeunes Roms de Seine-Saint-Denis.
"Ces enfants quittent rarement leur terrain et ce n’est pas très épanouissant", explique Agathe. Finalement, 11 enfants roumains et bulgares se rendront au Louvre, Samuel inclus.

"Des enfants comme les autres"
Au terme d’un long trajet, ils découvrent le célèbre musée, pour la première fois. Emerveillés par sa "grandeur", certains chahutent, mais sont aussitôt rappelés à l’ordre par Amélie, une enseignante autoritaire. "Ce n’est pas parce qu’ils vivent dans des conditions très précaires qu’il faut les traiter différemment. Ils ont besoin de règles", assure-t-elle.

Deux semaines plus tôt, le Louvre avait fermé le temps d’une journée, ses agents d’accueil protestant contre la recrudescence d’agressions par des bandes de mineurs d’Europe de l’Est, souvent présentés comme "des Roumains" dans les médias.
"Nous avions déjà prévu une visite mais cette affaire nous a fait accélérer les choses", précise Agathe. "Nous voulions montrer que l’on peut être rom et profiter d’un lieu culturel sans voler les touristes".
Arpentant les salles parées de statuettes, sarcophages et autres sphynx, Lucica, Salomon, Slavi et les autres restent attentifs aux indications de leurs accompagnateurs, même si la plupart ne comprennent pas le français.
"Seulement six de ces enfants sont scolarisés. Cela prend plus de temps pour les Bulgares, notamment parce qu’il faut faire traduire leurs extraits de naissance", déplore Amélie.
Heureusement, Memet, 16 ans, prend son rôle d’aîné à coeur et traduit en turc les explications des adultes à Dimo, 9 ans, et Alexi, 10 ans. "Ils sont issus d’une minorité turque rom de Bulgarie", précise Julien, qui enseigne à l’Aset depuis 5 ans.
Au bout d’une heure et demie, les enfants commencent à fatiguer, mais tous semblent ravis. "J’ai tout aimé mais ce que j’ai préféré c’est le château (ndlr : une maquette du château-fort du Louvre)", clame David, 12 ans, un large sourire aux lèvres.
Les semaines précédentes, certains enfants avaient pu aller à la tour Eiffel, d’autres à la médiathèque, au cinéma ou à la Cité des sciences. D’autres projets en perspective? "On aimerait bien organiser une balade en bateau-mouche. Ils sont fascinés par l’eau", confie Agathe.