Les centres de formation d’apprentis traversent une zone de turbulence. Tiraillés entre les diverses réformes qui impactent leurs crédits, les nouvelles gouvernances territoriales et les objectifs gouvernementaux en termes d’apprentissage, les CFA cherchent leur place dans l’univers de la formation. Ils plaident pour qu’émerge « un vrai modèle économique » pour l’apprentissage.

Hasard du calendrier, c’est le 2 juin que la Fnadir, la fédération des associations régionales de directrices et directeurs de CFA, tenait sa douzième journée nationale d’information et d’échanges alors que dans la nuit de la veille, au Sénat, la commission des affaires sociales avait adopté près d’une vingtaine d’amendements à la Loi Travail concernant précisément l’apprentissage (lire). Quelques jours plus tôt, le 25 mai, la Cour des comptes rendait son rapport annuel dans lequel elle recommandait la suppression du compte d’affectation spécial de l’apprentissage (CAS), le dispositif budgétaire chargé de la répartition de la fraction régionale de la taxe d’apprentissage (notre article). Bref, une situation inconfortable pour des CFA à la recherche de stabilité. « La loi du 5 mars 2014 a consolidé la gouvernance régionale sur les politiques d’apprentissage, mais elle a aussi réduit la part captive de la taxe d’apprentissage destinée à financer nos établissements… Ainsi, dans une région, le conseil régional a choisi de diminuer les dotations des CFA pour compenser cette baisse » explique Gilles Langlo, président de la Fnadir et directeur du campus des métiers de l’artisanat de Joué-les-Tours en Indre-et-Loire.

"Qui finance quoi et comment ?"
S’ils n’en sont pas encore arrivés au point de tirer la sonnette d’alarme, les CFA n’en demandent pas moins l’ouverture d’une réflexion sur le modèle économique de l’apprentissage. « Ce que nous voulons, c’est une définition précise de ce modèle : qui finance quoi et comment ? » indique Gilles Langlo, « peu de temps avant de disparaître, le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) s’était emparé de cette thématique. Il n’a malheureusement pas pu rendre ses conclusions. Le Cnefop qui lui a succédé aboutira-t-il ? » Car à l’heure où le projet de loi Travail prévoit de rendre toute ou partie d’un cursus d’apprentissage réalisable par le biais des pédagogies numériques à distance (notre article), les directeurs de CFA plaident pour une clarification de leurs missions. « Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter d’accueillir les jeunes dans nos établissements entre deux sessions de travail dans l’entreprise : le véritable apprentissage est expérientiel et pour mesurer l’expérience acquise, il nous faut le temps et les moyens de l’évaluer. Or, pour l’instant, ces moyens n’existent pas » note le président de la Fnadir. Et alors que leurs établissements sont amenés à accueillir de plus en plus de jeunes en difficulté, en situation d’échec scolaire, les directeurs de CFA réclament aussi une prise en charge financière de tous les « à-côtés » de l’enseignement : visites d’entreprises, introduction des jeunes dans les dispositifs d’intégration aux métiers de l’apprentissage (Dima), accompagnement renforcé… ce que la taxe d’apprentissage, aujourd’hui, ne permet pas de financer de manière satisfaisante. D’où les inquiétudes de ces dirigeants d’établissements quant aux dispositions qui sortiront de la loi Travail.

Auteur : Benjamin d’Alguerre – Le Quotidien de la formation